
Move It Kanal | Bruxelles regorge de talents
La zone du canal de Bruxelles foisonne de petites et de grandes initiatives (artistiques). Parfois des projets réalisés sous la houlette d’une structure professionnelle, d’autres fois des initiatives spontanées, bénévoles et à petite échelle qui passent sous le radar. On a été à la rencontre de deux personnes actives dans la zone du Canal: Nabil Fallah (Street talent) en Liselotte Vanheukelom (JES).

Nabil Fallah est un de ces jeunes qui, depuis des années, s’engage bénévolement pour d’autres jeunes. Il le fait au sein d’asbl existantes, mais également dans la cadre de son propre projet ‘Street talent’. Un entretien à propos de ses engagements.
Lasso: Comment est né Street talent ?
Nabil: Il y a trois ans, nous avons décidé avec un groupe d’amis d’organiser une chasse aux talents. C’était la période d’émissions comme Belgium’s Got Talent sur VTM, et nous nous sommes dit: pourquoi n’en ferions- nous pas une version locale? Nous avions remarqué quelques talents dans notre groupe d’amis, mais n’avions pas envisagé la possibilité de montrer quelque chose au public. C’est ainsi qu’est né Street talent, un concours pour Bruxellois. Dès la première année, le succès était au rendez-vous et entre-temps, nous en sommes à notre troisième édition. Nous donnons aux jeunes l’opportunité de développer leur talent, nous leur offrons des moments de coaching et une scène. Lentement mais sûrement, ils évoluent dans ce qu’ils font, acquièrent plus d’assurance et étendent leur réseau.
Lasso: Quels jeunes touchez-vous avec Street talent ?
Nabil: Notre initiative s’adresse à des jeunes de 5 à 25 ans. Mais en général, le plus jeune a environ 11, 12 ans et le plus âgé, 25 ans. La plupart des participants ont une activité artistique ou culturelle comme hobby, certains essaient de passer au stade professionnel. Nous touchons par ailleurs un jeune public bilingue, notre promotion se fait d’ailleurs aussi en deux langues.
Lasso: Wat wordt er getoond binnen Street Talent, hoe wordt de wedstrijd georganiseerd?
Nabil: Nous ne travaillons pas selon des disciplines. Tout ce qui peut être présenté sur une scène reçoit une chance. Il y a deux tours. Le premier consiste en une audition. Le but est d’opérer une sélection très variée pour la finale. Pas seulement du chant, mais la plus grande variété possible de disciplines artistiques. Nous sélectionnons une ou plusieurs personnes par discipline, les meilleurs danseurs, les meilleurs rappeurs... En général, nous finissons par une sélection de 20 à 30 participants. La plupart ont 16, 17 ans. Lors de la dernière édition, il y avait beaucoup de rappeurs. Ce groupe ne manque ni de culot ni d’envie de monter sur scène. Parfois, ce sont les danseurs qui se présentent en nombre. L’offre fluctue.
Lasso: Comment trouvez-vous vos jeunes participants ?
Nabil: Par Facebook et par le bouche-à-oreille. Les deux nous amènent des artistes de scène. Facebook étend le réseau et assure la participation de jeunes de tout Bruxelles. Si certains sont de Molenbeek, ils sont bien plus nombreux encore à venir du reste de Bruxelles et des alentours. La première édition se composait surtout de notre cercle d’amis de Molenbeek, mais les éditions suivantes ont eu une portée allant bien au-delà. Certains jeunes ne participent qu’une seule fois, d’autres à plusieurs reprises. Surtout des jeunes qui n’étaient pas en finale ou dans le top trois tentent souvent encore leur chance.
Lasso: Avez-vous déjà trouvé des institutions, des partenaires professionnels disposés à offrir à vos participants l’occasion de se produire scène ?
Nabil: Pas vraiment. La première année, il y avait Bruksellive (un festival bruxellois des maisons de jeunes, NDLR). Peut-être que le Vaartkapoen en fera de même. Certains participent aussi à Carte Blanche de BRONKS, un programme de pleine soirée, composé de jeunes talents bruxellois. Il s’agit de jeunes entre 15 et 21 ans qui affluent de Kunstbende, System D, Zinnema, etc."
Lasso: Quelles autres initiatives pour jeunes trouvez-vous inspirantes dans la zone du canal ?
Nabil: Molem Ma Belle de Vaartkapoen. Il y a pas mal d’idées sympas, comme le cinéma en plein air et ainsi de suite. JES propose aussi souvent de bons projets.

Nabil Fallah est un des nombreux jeunes qui, chemin faisant, a trouvé l’organisation pour jeunes JES. Les jeunes à partir de 10 ans peuvent s’y retrouver et découvrir la force émancipatrice de ce laboratoire urbain où germent des idées et des réalisations par des jeunes et pour des jeunes. JES les encourage et les soutient parfois, mais de manière continue. L’objectif est de les affranchir de manière encadrée. Découvrez JES et en particulier son action socio-éducative auprès des jeunes. Un entretien avec la coordinatrice de l’encadrement des jeunes, Liselotte Vanheukelom.
Lasso: Pouvez-vous brièvement nous présenter JES ?
Liselotte: JES est une organisation de jeunesse avec des activités à Bruxelles, à Anvers et à Gand. Par commodité, je vais me concentrer sur Bruxelles pour mon explication. Nous travaillons sur différents aspects de la vie, parce que nous pensons que travailler de manière intégrée porte le plus de fruits. En premier lieu, nous proposons des formations (horeca, sélection de personnes pour la construction...). En deuxième lieu, de l’animation socio-éducative pour des jeunes (studio d’enregistrement, organisation de la participation des jeunes dans l’espace public, par exemple, dans l’aménagement d’une place publique, des projets multimédias où les jeunes peuvent par exemple créer leurs propres jeux vidéo, mais aussi bien des formations pour animateurs, des jeux de piste dans la ville...). Et en troisième lieu, un travail socio-éducatif de proximité actif dans un certain nombre de quartiers, principalement des quartiers socialement vulnérables, comme Molenbeek, Cureghem ou 1000 Bruxelles.
L’éducateur de rue travaille avec des jeunes sur base individuelle et de façon inconditionnelle. Voici grosso modo nos trois piliers. Pour nous, c’est le caractère innovateur et intégré qui importe. Nous voulons que les jeunes prennent les commandes et nous tentons d’imaginer des manières originales de le faire. Ce qui n’est pas évident: ni pour soi, parce qu’il faut se l’imposer, ni pour les autres, parce que cela génère une certaine pression. Une autre chose importante est de croire aux talents et aux compétences des jeunes et de partir de ce principe. Un jeune ne peut pas être seulement considéré comme quelqu’un qu’il faut aider, mais aussi et surtout comme une personne qui a des capacités. Et pour développer ces capacités, une formation, un réseau plus étendu et/ou un coup de pouce peuvent être utiles. En tant qu’animateur, on essaie de cerner les besoins des jeunes, mais c’est au jeune d’en prendre conscience. C’est notre point de départ.
Cela peut différer en fonction du jeune ou du groupe de jeunes. À Cureghem ou dans le quartier Maritime, il y a tant de problèmes socio-économiques que c’est par là qu’il faut commencer. Nous étudions les besoins et les souhaits de manière individuelle. Ensuite, il faut examiner à quel niveau et en quoi JES peut venir en aide, sans déposséder les jeunes de ces outils. Il faut que le jeune effectue son trajet, avec des hauts et des bas et JES comme filet de sécurité.
Lasso: Pouvez-vous donner un exemple concret ?
Liselotte: Un jeune comme Nabil, par exemple, a débarqué chez JES à l’âge de 16, 17 ans. Il faisait partie d’un petit groupe qui a suivi une formation d’animateurs chez JES. Sarah Storme, notre animatrice, les a accueillis et a continué à les suivre. Avec le temps, des week-ends se sont ajoutés et on a remarqué que ces jeunes avaient envie de poursuivre leur formation. D’être formés à devenir animateur-coordinateur ou instructeur. Mais nous avons aussi senti un grand besoin de la part de ces jeunes de s’investir pour le quartier. Cet esprit d’initiative caractérise le groupe de Nabil. Cela ressemble bien à Nabil de constater qu’il existe quelque chose comme Belgium’s Got Talent et qu’il manque à Bruxelles une initiative équivalente au niveau local, et que lui ou son groupe voudrait y remédier et lancer un tel projet.
Nabil est alors venu frapper à la porte de JES; une telle organisation offre l’avantage d’avoir un réseau, de savoir comment procéder à une demande de subventions ou quelles organisations pourraient être des partenaires intéressants... Dans un premier temps, JES l’a aidé à écrire son dossier de demande de subventions. Nous avons aussi beaucoup discuté avec lui. Comment gérer la comptabilité, la promotion... Bref, nous l’avons aidé à organiser l’événement. En même temps, c’est un art de ne pas indiquer aux jeunes tous les pièges, mais de les laisser apprendre de leurs propres expériences. Les affranchir tout en les encadrant. Il est aussi très important de ne jamais revendiquer un projet. L’idée vient des jeunes eux-mêmes, ce sont eux qui réalisent le projet. Ce qui est beau, c’est l’interaction entre l’organisation et les jeunes, l’apprentissage réciproque, l’évolution du jeune et de l’animateur. Un événement comme Street talent, par exemple, nous l’avons suivi de près la première année, beaucoup moins la deuxième année et la troisième année, les jeunes l’ont organisé eux-mêmes. Le lien avec Nabil est maintenu parce qu’il est aussi instructeur bénévole...
D’ailleurs, il accomplit encore plein d’autres choses ici. Cela signifie aussi que lorsqu’il a une question, il sait qu’il peut s’adresser à nous. Parallèlement, les jeunes s’engagent auprès de différentes organisations. Chez JES, ils font ceci, à L.E.S. Molenbeek, ils font autre chose... Par le biais des bénévoles, les organisations établissent des contacts entre elles.
Lasso: Pourquoi ces jeunes trouvent-ils l’engagement social important ?
Liselotte: Le plus grand dénominateur du groupe de Street talent et est de vouloir donner des impulsions positives aux jeunes de Molenbeek ou d’ailleurs. Ils veulent mettre en œuvre des choses qui font défaut dans les quartiers précarisés ou changer ce qui ne fonctionne pas. Leur engagement se porte sur la commune ou le quartier, sur un jeune en particulier de la commune ou du quartier, mais certainement aussi au-delà. Le groupe dont Nabil fait partie – ils s’appellent Les Souffleurs – se compose de 7 à 10 jeunes, filles et garçons. Il est très varié.
Entre-temps, un autre groupe de jeunes de 16 à 17 s’est formé, il se compose de 30 personnes. Leur préoccupation est plutôt de mettre sur pied une sorte de mouvement de jeunesse, mais selon leur modèle. Ici aussi, JES est en train d’examiner de quelle manière nous pouvons leur venir en aide. À vrai dire, je pense qu’une organisation ne peut jamais totalement lâcher un projet tel que Street talent, même si c’est un succès en ce moment et que deux cents personnes sont venues assister à la finale au Vaartkapoen. Car leur projet a été présenté deux ans durant dans la ligne de subventions d’initiatives pour la jeunesse. Ensuite plus, parce qu’il n’était plus innovateur, ce qui est une condition pour recevoir ces subventions.
Heureusement, À Fonds, le fonds pour les jeunes du service Jeunesse de la VGC (Commission communautaire flamande) a relayé. Néanmoins, nous demeurons dans l’incertitude totale en ce qui concerne l’année prochaine. Si le projet ne reçoit plus de moyens parce qu’il n’est plus entièrement innovant, il faudra penser en termes structurels, et c’est alors que les choses se compliquent. Cela signifie qu’il va falloir frapper à la porte d’organisations et leur demander si elles veulent reprendre le projet ou trouver de plus grands sponsors.
Et là, il se peut que l’esprit originel, la spécificité du projet se perde. Penser de manière anticipatrice n’est pas d’emblée quelque chose qui préoccupe intensément les jeunes, c’est plutôt du ressort d’une organisation. Une autre tâche de JES est de veiller à ce que les jeunes qui sont un modèle pour d’autres ne soient pas trop sollicités, qu’ils ne soient pas harassés. Pour cela aussi, il faut être vigilant en tant qu’organisation.
Lasso: À partir de quel âge les jeunes peuvent-ils venir frapper à la porte de JES ?
Liselotte: Ça dépend. Pour ce qui est de l’encadrement socio-éducatif des jeunes, ils peuvent venir dès l’âge de 12 ans, bien que la grande majorité ait entre 15 et 25 ans. Les formations s’adressent quant à elles à des personnes un peu plus âgées. Le travail d’éducateur de rue, c’est à partir de 18 ans. Avec certains jeunes, il faut effectuer un trajet préparatoire, établir une relation de confiance mutuelle. Avec d’autres, on peut immédiatement mettre des activités culturelles sur pied, par exemple. Parfois, on peut néanmoins directement lancer une activité culturelle, parce que c’est justement une façon de raconter, d’exprimer quelque chose. Comme un enregistrement musical, la réalisation d’un film sur un environnement de vie comme les cinq blocs à Molenbeek ...
Lasso: Collaborez-vous avec des partenaires culturels, et quelle est la proportion d’activités culturelles au sein de JES ?
Liselotte: Nous travaillons avec de nombreux centres communautaires: De Vaartkapoen, le Kaaitheater, La Maison des Cultures et de la Cohésion Sociale, avec le Beursschouwburg pour l’organisation de la sélection bruxelloise des participants à Kunstbende, Zinnema, Jeugd en Muziek (Jeunesse et Musique), etc. En qui concerne la part de culture, nous coordonnons un certain nombre de projets, comme de Kunstbende, des enregistrements de studio, la réalisation de films, de la photographie, etc., plutôt en tant que médias que finalité en soi. Ce qui ne veut pas dire que seul le processus soit important, le résultat final compte aussi. Quoi qu’il en soit, dans son intégralité, la part culturelle n’est pas l’activité principale au sein de JES. Nous nous concentrons surtout sur le multimédia, la Rockfabriek et Kunstbende.
Lasso: Quelles étaient vos motivations pour entrer dans le comité de pilotage de Move It Kanal ?
Liselotte: Le fait que le projet soit étayé par une étude scientifique. Et aussi parce qu’il y a de l’espace pour mettre sur pied des projets avec des jeunes. L’extension de notre réseau (aussi bien au sein de la culture que de l’enseignement). Et pour finir, le fait que cela permette de penser hors des schémas habituels en matière de culture. Je pense que nous pouvons arriver à une définition plus large de la culture ou des projets culturels.
Mais surtout le deuxième élément: la mise sur pied de projets avec les jeunes. L’espoir de pouvoir laisser la négativité de 2016 derrière nous et de pouvoir dire dans un an ou deux: regardez, ce sont les jeunes de la zone du canal qui ont fait ceci, qui ont ces talents, qui peuvent réaliser ça.
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Le projet Move It Kanal, porté par Lasso, et
Erasmushogeschool Brussel, a pu être mis en place dans le cadre du
programme opérationnel FEDER de la Région de Bruxelles-Capitale. Dans ce
cadre, près de 2.1 millions d’euros ont été investis dans le projet,
dont 50% ont été pris en charge par les autorités européennes et 50% par
la Région. L’objectif poursuivi ici par la programmation FEDER est de
renforcer la participation culturelle des jeunes dans le territoire du
canal .
Le FEDER (Fonds européen de Développement Régional), est un outil de la politique régionale européenne qui a pour objectif de créer de nouvelles opportunités pour les citoyens européens et de réduire les écarts de niveau de vie entre les régions. C’est un outil d’investissement de solidarité de l’UE, qui influence, grâce aux financements européens et régionaux, notre quotidien à tous.
Le projet est cofinancé par la VGC.