Lasso a mené une série d’interviews* pour comprendre comment les différents acteur.ice.s bruxellois.e.s des secteurs de la culture, de l’éducation permanente, de l’enseignement, de la jeunesse et de la cohésion sociale ont fait face à la crise sanitaire. Quel a été l’impact de la COVID sur leur structure et leur fonctionnement ? L’objectif est d’apprendre les un.e.s des autres et de s’inspirer mutuellement. Cette fois, la parole est donnée à Ludo De Vleesschauwer, coordinateur de 'Brede School Nieuwland' au cœur du quartier des Marolles.

* Cette série d’interviews a été réalisée à différents moments de 2020 et de 2021. Merci de vous remettre dans le contexte de l’époque. Certaines déclarations peuvent être dépassées au moment de la lecture. Et les mesures sanitaires peuvent avoir évolué.

Quel impact le premier confinement a-t-il eu l’an passé sur le fonctionnement de l’école Brede School Nieuwland ?

En mars de l'année dernière, l'ensemble des activités proposées par la Brede School Nieuwland a été réduit à néant. Le premier événement majeur que nous avons dû annuler fut la journée de rencontre des organisations éducatives et sociales. Ont suivi notre journée de jeux en plein air ainsi que toutes nos activités extrascolaires. Et à notre grand désespoir, l’école elle-même a dû fermer ses portes… même si nous avons, bien sûr, pris le relais en passant aux cours en ligne. Pendant le premier confinement, j'ai rendu visite aux élèves en leur donnant rendez-vous sur le seuil de leur porte d’entrée. C’était des élèves que l’école avait du mal à joindre en ligne. Je leur ai apporté les devoirs ou le matériel de cours. De cette façon, j’ai eu l’occasion de leur parler et de voir comment ils allaient.


Quels autres dispositifs avez-vous mis en place l’an dernier pour faire face à cette situation exceptionnelle ?

J'ai dû me réinventer complètement et en faire autant pour notre activité : plus facile à dire qu'à faire… Je n'ai pas vraiment d'équipe sur laquelle m'appuyer. J'ai contacté des collègues d'autres écoles secondaires pour connaitre leur vision et leur angle d’approche. C’était intéressant de voir comment ils abordaient la situation. Au début du premier confinement, nous avons surtout privilégié les visites à domicile, mais nous avons ensuite cherché d’autres alternatives afin de toucher plus de familles. En collaboration avec le service des sports de la Commission communautaire flamande, nous avons créé un itinéraire de promenade pour les familles. La promenade était une sorte de jeu de piste photographique. Dès que les élèves avaient trouvé l’un des endroits de ralliement, une mission sportive les y attendait. Nous en avons fait la promotion via différents canaux : le site web et la page Facebook, les équipes sportives, etc.


Une collecte de produits au bénéfice de l'Armée du Salut

Comment s’est passé la communication avec les élèves et les divers partenaires pendant la crise sanitaire ?

Cela n'était pas évident puisque les écoles étaient fermées et que les organisations partenaires ont également dû fermer leurs portes. En outre, les règles dans les différents secteurs ne sont pas identiques et changent constamment. Cela a causé beaucoup de stress. Par exemple, nous avons une salle polyvalente que nous utilisons pour les activités sportives, mais aussi pour les activités musicales et de danse. 20 enfants étaient autorisés dans la salle pour les activités sportives, mais seulement 10 pour les activités musicales !

En mai et juin 2020, les mercredis après-midi et les samedis, nous avons réservé la cour de récréation et la salle de sport aux familles. L’idée était de donner à une famille à la fois l'occasion de pratiquer des sports en toute sécurité avec ses enfants, avec un moniteur sportif pendant une heure. Nous avons donné la priorité aux familles les plus vulnérables que nous avons appelées personnellement. Par la suite, d'autres familles ont été autorisées à profiter de cette offre.

En septembre 2020, votre école a-t-elle pu reprendre normalement ?

Pas vraiment. Nous avions organisé de nombreuses activités l'après-midi, les premières semaines de septembre, comme un tournoi de football, des ateliers de musique électronique et d’échecs, mais nous avons dû reporter ces activités. Vu le nombre croissant de contaminations, l'école a dû respecter les bulles de classe et a finalement dû refermer pour un bout de temps.

L’aviez-vous prévu ?

Nous organisions diverses activités parascolaires, scolaires et sur le temps de midi, mais nous savions qu'il y avait un risque d'annulation. L'autre option était de ne rien faire et de se résigner à la situation. C'est dommage, car l'année dernière, ces activités ont connu un grand succès auprès des enfants. Habituellement, le bouche-à-oreille à la sortie de l'école suffit pour promouvoir ces activités. Cette année scolaire, il était plus difficile d’informer les parents et les enfants, vu les contacts personnels réduits.

La journée ‘portes ouvertes’ d’octobre a pu être maintenue, heureusement…

Oui, mais différemment qu’à l’accoutumée. Normalement, les enfants ont la possibilité d’essayer toutes sortes d'activités de loisirs lors de notre journée portes ouvertes, par exemple en essayant un instrument de musique. Habituellement, il s'agit d'une journée festive et spontanée où l’on découvre l’école au gré de ses envies. Cette année, les enfants et leurs parents ont dû s'inscrire à l'avance à l’une ou l’autre activité. Du coup, tout était moins accessible.

Début 2021, nous avons organisé une collecte de produits de soin avec les élèves au bénéfice de l'Armée du Salut, en collaboration avec Serve The City. Nous pensons qu'ensemble, nous pouvons faire la différence dans le quartier.

Juste avant Noël, les étudiants de la formation pédagogique du jeune enfant de la haute école Erasmushogeschool ont rendu visite à la maison de retraite Sint-Monika, accompagnés par des enfants de maternelle de notre école. Comme il n'était pas encore possible de se rencontrer à l'intérieur, ils ont dessiné sur les fenêtres avec des marqueurs. Les dessins et les messages ont apporté un peu de réconfort aux résidents.




L’année dernière, la journée de rencontre des organisations éducatives et sociales a été le point fort des activités de la Brede School Nieuwland. Avez-vous pu organiser une nouvelle édition de cette journée de rencontre depuis ?


A ce jour, nous n'avons pas encore été en mesure d'organiser un événement qui rassemblerait autant de personnes (à savoir 150 personnes). À l'automne 2020, avec les partenaires de notre réseau, nous avons commencé à réfléchir à une alternative. Cette réflexion a donné naissance à Nieuwland On Tour, une initiative en collaboration avec la Maison de l'enfant NIEUWLAND (Huis van het Kind NIEUWLAND). L'intention était d’aller à la rencontre d’organisations locales avec des partenaires du secteur de l'aide sociale et des enseignants du secteur des soins. Cela a pu être organisé à 3 reprises. Nous avons été à la maison de quartier Vrienden van het Huizeke dans les Marolles. C'était très utile, car après tout, nous travaillons tous pour les mêmes familles dans le quartier. Ce fut également une excellente occasion de retrouver physiquement des collègues et des partenaires et de prendre des nouvelles. Cela n'était pas possible lors du second confinement. Nous avons donc organisé une version par vidéoconférence, avec un atelier sur le GPS social en collaboration avec le Kenniscentrum Welzijn, Wonen, Zorg.

Selon vous, la fermeture des écoles l’an passé a-t-elle laissé des marques chez les élèves ?


La fermeture des écoles n'a pas aidé les enfants qui étaient déjà en difficulté. Je pense que cela a creusé l’écart entre les enfants qui ont besoin de beaucoup de remédiation scolaire et ceux qui n’en n’ont pas besoin. Cette année scolaire, l'école a heureusement été ouverte presque tout le temps. Certaines classes de l'école primaire ont dû être mises en quarantaine à plusieurs reprises et l'école maternelle a également été fermée pendant une semaine. La transition vers l'enseignement à distance s'est raisonnablement bien passée et, en dehors des cours en ligne, nous avons pu prêter plus d'attention aux problèmes individuels.

La culture a-t-elle un rôle plus important à jouer dans l’enseignement depuis la crise sanitaire ?

Je crains qu'en raison de ce déficit d'apprentissage, de ce retard scolaire, de nombreuses écoles accordent moins d'attention à la culture. Je pense que les écoles auront tendance à se concentrer plus sur le rattrapage scolaire et donc moins sur les autres possibilités d'apprentissage. C'est un réflexe compréhensible, mais à la Brede School Nieuwland, nous pensons qu'il faut également stimuler l'apprentissage général. Aujourd'hui plus que jamais, les enfants ont besoin de pouvoir s'exprimer de manière créative. Nous ne devons pas commettre l'erreur de nous concentrer uniquement sur les langues et les mathématiques. La culture, le sport et d'autres matières d’enseignement favorisent le bien-être des enfants et sont la clé d'un apprentissage élargi. Avec le projet Leerkunst (ndlt : l’art d’apprendre), nous voulons y contribuer.

Aujourd'hui, plus que jamais, les enfants ont besoin de pouvoir s'exprimer de manière créative.

- Ludo De Vleeschauwer

De quoi s’agit-il ?

Il s'agit d'un projet de promotion de la lecture que nous avons mis en place avec l'école de Brede School Buiten de Lijnjes. Nous avons remarqué que les enfants qui lisent bien ont moins de difficultés d'apprentissage que ceux plus faibles en lecture. Nous avons donc offert une heure de lecture supplémentaire aux enfants qui en avaient le plus besoin. Les enfants ont été confiés à un(e) étudiant(e) en master en éducation au RITCS. La mission de l’étudiant(e) : donner une leçon de lecture ludique et créative. L'objectif était de motiver les enfants à prendre goût à la lecture et de promouvoir le plaisir de lire. L'aspect technique de la lecture par contre était du ressort de l’école. Leeskunst a été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme par les parents et les enseignants. Les étudiant(e)s du RITCS ont fait un excellent travail.

Les enfants et les jeunes pour lesquels nous travaillons ont besoin de se voir et d’être proches. Mais nous avons aussi ce besoin.

- Ludo De Vleeschauwer

Pour terminer, avez-vous pris le pli de travailler à distance ?

Mon travail consiste à organiser des réunions entre différents partenaires et secteurs. Le faire en vidéoconférence est difficile. Je ne crois pas que l’on puisse se contenter uniquement d'enseignement numérique à distance et de collaboration et consultation digitales. Dans notre secteur, les rencontres physiques sont essentielles pour apprendre à se connaître et savoir à qui s'adresser pour telle ou telle chose. Les enfants et les jeunes avec lesquels nous sommes en contact ne sont pas les seuls à avoir besoin de se voir et de se sentir proches… nous en avons aussi besoin. Les réunions en distanciel ne doivent donc certainement pas remplacer les réunions physiques. De nombreuses personnes au travail se sont senties isolées au cours de l'année écoulée. Dans les mois et les années à venir, nous allons donc investir massivement dans le renforcement des liens qui nous unissent. Pour moi, la culture est synonyme de rencontres et elle jouera donc un rôle important à ce titre.