‘Projectwww’ était un projet d'arts de la scène destiné aux jeunes. Ce projet de trois ans a vu le jour sous l'impulsion de Zinnema, en collaboration avec une vingtaine d'organisations partenaires. Nico Chanh Leroy et Amin Srasra ont participé au projet en tant que coachs. Ils sont tous deux danseurs et chorégraphes professionnels. Amin est également programmateur au Théâtre de Courtrai aujourd'hui. Eux-mêmes ont suivi parallèlement une formation de coach en éducation artistique auprès de L.E.A.D. et de Zinnema.

Lasso: Pouvez-vous nous décrire le rôle du coach artistique ?

Nico: Notre tâche consistait à créer un récit ou un fil conducteur à partir des idées créatives et du talent des jeunes. Ces derniers ont proposé des chorégraphies, de la musique et des thématiques. Nous avons rassemblé le tout pour en faire une histoire intéressante en opérant des choix, en approfondissant la chorégraphie et en assurant la mise en scène.

Nous avons fait certains choix artistiques, mais de telle sorte que cela reste leur spectacle. L’appropriation par les jeunes est essentielle dans ce projet.

- Amin

Nous avons conseillé les participants sur la manière de créer un spectacle et avons essayé de leur donner confiance en eux pour évoluer librement et se tenir sur scène. Nous savions parfaitement ce que nous faisions : notre cadre était préparé de manière concrète et a pris forme petit à petit. Par contre, cela paraissait plus abstrait pour les jeunes. Nous avons fait certains choix artistiques, mais de telle sorte que cela reste leur spectacle. L’appropriation par les jeunes est essentielle dans ce projet.

Projectwww constituait également un programme de formation de trois ans, qui allait de pair avec la réalisation des deux projets de création. Quel regard portez-vous sur cette expérience ?

Amin: C’est la formation de coach en éducation artistique qui m’a poussé à participer à la procédure de sélection de Zinnema. La création ou la réalisation d’un spectacle manquait encore à ma carrière de danseur. J’ai beaucoup appris en peu de temps en me plongeant dans la pratique et en participant moi-même aux master classes. L’échange avec Andrea, coach et collègue, a également été très enrichissant.

Nico: L’échange d’expériences et de méthodes de travail avec les autres coachs et L.E.A.D. s’est avéré précieux. Nous avons en outre manifesté le souhait d’être davantage soutenus sur l’aspect psychosocial de notre mission d’accom- pagnement. Nous avons été confrontés à des expériences émotionnelles fragiles, de sorte qu’il n’était pas toujours possible de savoir où s’arrêtait notre rôle de coach. La master class de Leen Braspenning nous a donné des clés pour mieux gérer cette situation. Car on a ses propres expériences et ses idées en tant qu’artiste, mais il y a des choses pour lesquelles on a besoin desconseils ou de l’aide de tiers.

De ces premières conversations a émergé beaucoup de morosité et de noirceur : des histoires personnelles de suicide, de dépendance à la drogue... Le bien-être mental des jeunes est un enjeu majeur. Un coach doit faire preuve de beaucoup d’empathie pour mener à bien un tel projet...

- Amin

Amin: Il est regrettable que le nombre de master classes a été quelque peu restreint en raison de la période de covid, mais Zinnema a répondu directement aux questions que nous nous posions concrètement. Dans la perspective de la représentation finale, nous avons bénéficié d’une journée entière de master class sur l’éclairage et la technique. Cela nous a permis de mettre immédiatement en pratique les connaissances que nous venions d’acquérir.

Votre rôle de coach vous a égale- ment amenés à participer au recru- tement des jeunes en effectuant des démonstrations dans les écoles. Comment cela s’est-il passé ?

Nico: Dans les écoles où les enseignants étaient impliqués, les élèves préparés et les installations mises en place, cela a eu un effet positif. C’était un plaisir d’être aussi proche des élèves. Il a toutefois été nécessaire de bien encadrer la promotion pour éviter que celle-ci ne se limite à une simple accroche.

Amin: L’avantage de se rendre dans une école, c’est que l’on touche tous les jeunes qui s’y trouvent. C’est finalement comme ça que pas mal d’entre eux se sont impliqués dans le projet. L’inconvénient, c’est que les élèves continuent parfois à associer le projet à l’école, alors qu’il s’agit d’un projet de loisir.

En ce qui concerne le processus de création, comment avez-vous travaillé avec les jeunes et que retenez-vous de cette expérience ?

Nico: D’emblée, il était important d’être ouvert d’esprit, de créer une bonne ambiance et un espace sûr. Nous y sommes parvenus en restant nous-mêmes et en veillant à ce que les jeunes le fassent aussi, en nous montrant détendus les uns envers les autres. Ce qui a bien fonctionné aussi, c’est l’écoute et l’humour. Il faut que s’instaure une confiance de base sur laquelle construire le processus de création. Il convient de veiller à l’équilibre entre le rôle de coach d’une part et celui de ‘frère’ d’autre part. L’objectif du processus de création a toujours été d’aboutir à une représentation sur scène. Cela exigeait toute l’attention qu’il fallait.

Amin: Dès le début du processus de création, nous avons pris le temps de nous écouter les uns les autres. De ces premières conversations a émergé beaucoup de morosité et de noirceur : des histoires personnelles de suicide, de dépendance à la drogue... Nous avons commencé à travailler avec la mythologie grecque pour apporter une certaine légèreté. C’est devenu notre fil rouge. Cela nous a permis de poursuivre le dialogue sur les thématiques, en leur réservant une place dans les créations tout en les déconnectant de l’expérience purement personnelle. Le bien-être mental des jeunes est un enjeu majeur, et il nous arrivait régulièrement de devoir sortir pour parler en tête-à-tête avec un jeune. Un coach doit faire preuve de beaucoup d’empathie pour mener à bien un tel projet... J’ai beau avoir une formation pédagogique, cela ne fait pas de moi un assistant social. Heureusement que nous avons pu compter sur le soutien d’Evi, du CC Strombeek, et d’Anne, de Zinnema.

Quels sont les points essentiels que vous aimeriez transmettre pour mener à bien un processus de création artistique avec des jeunes ?

Nico: On ne dispose jamais d’assez de temps pour créer (rires). Je ne pense pas que de longues heures de répétition permettent d’atteindre une plus grande qualité artistique, mais elles peuvent donner plus de souffle au processus. Guider le processus de création a de quoi bien occuper le coach artistique. Un groupe de 22 jeunes requiert en outre toute l’énergie requise pour les accompagner, répondre à certains besoins individuels ou les réorienter. Des accompagnateurs en nombre suffisant et aux compétences variées ne sont donc pas un luxe superflu.

Amin: C’est vrai que les jeunes débordent d’énergie. Le projet crée également un espace et un cadre pour gérer cette énergie et ces histoires personnelles, qui a leur tour servent de source d’inspiration pour les coachs. Pour y parvenir, il nous faut leur fournir des conseils et un encadrement intensifs.


En savoir plus sur le projetwww ? Découvrez la publication projectwww : parcours innovant pour jeunes autour des arts de la scene !