Avec cette série de récits concrets, Lasso met en lumière des initiatives vouées à ouvrir les portes à certains groupes de personnes adultes, généralement oubliées ou difficiles à toucher. Marijke de chez Lasso s’est entretenue avec Dorien Herrremans, responsable du centre communautaire Nekkersdal, à propos du programme d’accompagnement suivi avec LEVL.

Lasso : Pourquoi avez-vous entamé le programme INSIDE/OUT avec LEVL ?

En 2019, le Minderhedenforum (le prédécesseur de LEVL, NDLR) est venu présenter son programme lors d’une rencontre qui réunissait plusieurs centres communautaires. J’ai immédiatement été séduite par l’idée parce que, à Nekkersdal, nous nous interrogeons aussi sur la diversité au sein de nos collaborateur.rice.s, les membres de notre conseil d’administration et notre public.

Nous sortions tout juste d’un exercice visant à intégrer des personnes de divers horizons dans notre nouveau conseil d’administration, et pas seulement les « habitué.e.s ». Ca tombait aussi à un moment où il y avait du mouvement dans l’équipe : je venais d’entrer en fonction comme responsable du centre et plusieurs autres changements s’opéraient à différents niveaux au sein du personnel. La proposition du Minderhedenforum est pour ainsi dire tombée à pic. Ca n’est pas évident de briser les tabous autour de cette thématique, dans une organisation, et encore moins d’amorcer de réels changements. Ce programme, qui apporte un regard et une expertise d’un point de vue extérieur, nous semblait être un bon moyen de travailler sur ce thème.


Quelles étapes avez-vous traversées au cours du programme ?

Dans un premier temps, on nous a demandé de fournir beaucoup de documentation : aperçu du personnel et de la direction, brochures, rapports d’activité, etc. Dans un second temps, des entretiens approfondis ont été menés avec tous les collaborateur.rice.s. Personnellement, j’ai trouvé cette étape très intéressante. La conversation était ouverte et de qualité, ça invite à remettre les choses en question. Ca m’a incitée à réfléchir et, d’une certaine manière, ça m’a aussi donné de l’énergie.

Ensuite nous avons suivi des séances en groupes et puis il y a eu un temps dédié au feed-back. Prochaine étape : LEVL va compiler toutes les conclusions et les suggestions dans un rapport dont notre équipe se servira pour élaborer un plan d’action. J’ai d’abord pensé que ça serait ma mission, et celle du personnel, mais c’est vite devenu clair à nos yeux qu’il fallait se pencher sur ces thématiques et ces résultats avec l’ensemble de l’équipe. On verra ce qu’il en ressort. Le principal est qu’on aboutisse à un plan d’action commun.


Un tel programme semble impliquer un grand engagement…

Cela nécessite, en effet, une certaine planification, mais c’était une condition pour démarrer ce programme. Je n’ai pas trouvé cela particulièrement difficile, jusqu’à présent. Nekkersdal et le conseil d’administration ont choisi de se lancer, nous avons donc donné la priorité au programme. C’est un investissement, il s’agit de s’y consacrer pleinement, sinon ça ne sert à rien. Quand je parle de Nekkersdal avec LEVL aujourd’hui, j’ai l’impression qu’ils nous connaissent beaucoup mieux, que nous ne sommes pas simplement l’un des nombreux centres communautaires avec qui ils travaillent. Ils savent ce que nous faisons et ce que nous défendons.

Y a-t-il déjà des changements visibles ?

Les entretiens et les séances apportent certainement quelque chose à l’ensemble de l’équipe, mais je ne sais pas si on peut déjà parler d’un impact durable. Les changements au sein du personnel ont créé une plus grande ouverture d’esprit et une certaine liberté pour aborder les choses différemment et les remettre en question. On a, par exemple, décidé d’introduire des pères Fouettard de couleur pour la Saint-Nicolas. Si nous avions dû discuter d’un tel sujet par le passé, la conversation aurait été difficile. C’est désormais une question que nous abordons de façon assez simple.

Pour moi, le véritable impact sera visible lorsque l’équipe s’attaquera à la mise en œuvre du plan d’action. Toutes sortes de questions entreront alors en ligne de compte : le personnel à engager, le langage à utiliser, la communication, l’accueil… Tous les aspects de notre travail sont concernés. Idéalement, nous inclurons aussi ces actions dans notre plan d’action annuel et dans le plan de rénovation du bâtiment qui nous occupe en ce moment. On ne peut pas imaginer nos nouveaux locaux sans passer au crible notre fonctionnement. Nous devons en tenir compte avant de réinventer nos espaces.

Nous devrons veiller à offrir un meilleur accueil à un public différent de celui dont on a l’habitude. Les conclusions et les résultats soulevés pour Nekkersdal pourront également profiter aux 22 centres communautaires de Bruxelles, qui œuvrent actuellement à une politique d’accueil plus large.

Au cours du programme d’accompagnement, j’ai dû embaucher une personne pour le nettoyage des locaux. La personne devait avoir le statut ACS, ce qui implique des conditions très spécifiques, et, par ailleurs, nous voulions quelqu’un du quartier, et qui soit compétent.e à la fois. Une dame kurde du quartier, qui est impliquée dans divers projets dans la région et qui a de l’expérience dans le nettoyage, a commencé à travailler chez nous. Je suis ravie de son recrutement. L’équipe l’a bien accueillie, malgré sa connaissance limitée du néerlandais. Grâce au programme suivi avec LEVL, j’ai surmonté plusieurs obstacles, dont la barrière de la langue. Un bel exemple d’application concrète du programme sur le terrain !

En savoir plus sur LEVL ? Lisez l'article dans lequel Aimée-Fidèle Mukunde, collaboratrice du projet, explique le fonctionnement de l’organisation.