Avec cette série de récits concrets, Lasso met en lumière des initiatives vouées à ouvrir les portes à certains groupes de personnes adultes, généralement oubliées ou difficiles à toucher. Hannah de chez Lasso et Emilie Van Daele de l’ASBL Lus ont discuté du fonctionnement de l’ASBL et se sont penchées sur BurgersAanZet (BAZ), un projet dans le cadre duquel l’ASBL Lus et quatre autres organisations partagent plusieurs années d’expertise et d’expérience autour du travail avec et pour les citoyen.ne.s, dans une optique d’autonomisation et de renforcement des réseaux.

Groupe de boucle et groupe de liens

L’ASBL Lus souhaite stimuler la solidarité entre les gens. Contrairement au travail socioculturel qui se fait en général, la plupart du temps l’ASBL Lus part des besoins d’une personne particulière, qui se trouve en situation de vulnérabilité et qui aspire à faire partie d’un groupe ou, tout simplement, à créer du lien avec d’autres personnes. Grâce à l’engagement d’environ 140 bénévoles en Flandre et à Bruxelles, l’ASBL Lus peut créer un réseau sur mesure autour de chaque « personne centrale ». En néerlandais on dit « lus », en français on pourrait aussi appeler cela « boucle ». Ces boucles sont donc composées de bénévoles qui se sentent en mesure d’apporter quelque chose à la personne concernée, et de développer une relation de réciprocité avec elle.

Les personnes qui ont besoin de se sentir entourées, mais qui n’éprouvent pas forcément le besoin de créer un groupe autour d’elles, peuvent intégrer un « groupe de liens ». Six personnes qui ne se connaissent pas et qui ont en commun de ne pas parvenir à se lancer dans la vie associative sont réunies.

L’objectif de ce groupe est d’être soi-même et de faire en sorte que chacun trouve sa place. Tout ce que nous demandons aux participant.e.s est de faire preuve de curiosité envers l’autre. Nous examinons les centres d’intérêt de chacun.e et évaluons comment créer un groupe hors du groupe. Il ne s’agit donc pas nécessairement d’activités que ces personnes pratiqueraient ensemble mais plutôt de leur propension à tisser des liens. Dans un monde idéal, il s’agirait de constituer un groupe d’ami.e.s, mais nous ne pouvons pas l’imposer et cette amitié ne se produit pas toujours.

- Emilie

Un recrutement de bénévoles hors du commun

Emilie est étroitement impliquée dans la création de ces groupes de boucle et de liens. Une fois ces groupes bien en place, un.e bénévole en assure le suivi à long terme. L’ASBL Lus procède à un recrutement local des bénévoles. Elle parcourt d’abord le réseau de la personne centrale puis elles se met à la recherche du « perfect match » avec celle-ci. Quand la recherche n’aboutit pas, l’association publie parfois une annonce en ligne. Elle peut également organiser une campagne mais celles-ci ne doivent toutefois pas être trop importantes. Les activités de l’ASBL Lus sont réparties dans toute la Flandre et à Bruxelles, et on ne sait jamais à l’avance d’où émaneront les demandes. Elle doit donc veiller à ne pas attirer des bénévoles à qui elle ne pourra rien proposer par la suite.

Nous faisons rarement appel à des organisations professionnelles, dans ce contexte, parce que ça ne fonctionne pas vraiment. Ce n’est pas une critique à leur égard, c’est juste que nous ne parvenons pas à trouver des bénévoles pour notre projet par ce biais-là. On préfère se focaliser sur le réseau que les personnes ont déjà autour d’eux.elles.

- Emilie

Le pouvoir de l’engagement bénévole

La recherche et l’accompagnement de bénévoles constituent les activités principales de l’ASBL Lus. L’association a acquis de l’expertise dans ce domaine, qu’elle partage désormais avec quatre autres organisations de volontaires au sein de la branche « bien-être » du projet BurgersAanZet (BAZ). ArmenTeKort ASBL, Domo ASBL, EK-c et Magenta travaillent aussi sur les réseaux et fonctionnent également avec des bénévoles. Ces quatre associations ont foi en l’engagement bénévole. Leur expérience dans le domaine les amènent à penser que l’aspect « humain » du projet est primordial, en plus de la qualité et du professionnalisme du service. En effet, le plus important c’est que les personnes concernées soient entourées d’un réseau, qu’elles se sentent utile, qu’elles puissent réellement agir et nouer des relations précieuses. C’est ce que les personnes perdent en premier, parmi celles que nous avons rencontrées dans le secteur des soins de santé : leur réseau s’appauvrit progressivement et ça devient de plus en plus difficile pour elles de participer aux activités de leur vie d’avant. L’ASBL Lus et ses partenaires souhaitent œuvrer à une société qui, en plus de prodiguer les soins conventionnels, est également attentive à cet aspect crucial.

Avec BurgersAanZet, nous souhaitons attirer l’attention sur notre projet, mais aussi sur les choses qui se font autour de nous. Il peut s’agir de tout petits gestes, comme par exemple faire circuler un vase de fleurs pour créer du contact social et une connexion entre les gens, ou bien l’organisation d’une aide aux devoirs pour les enfants du quartier qui ont un retard d’apprentissage.

- Emilie

La force de BAZ, c’est le focus sur ce qu’un.e citoyen.ne peut apporter à un.e autre. Avec l’engagement bénévole de citoyen.ne.s « ordinaires » comme moteur de tous leurs projets, ces cinq organisations parviennent, chacune à leur manière, à rapprocher les gens, à faire une place à la vulnérabilité dans la vie de tous les jours, à voir au-delà de cette vulnérabilité, de la maladie ou du handicape, et à trouver des solutions à ces situations de fragilité.

Partage de l’expertise

Les cinq organisations de BAZ travaillent également sur le partage d’expertise, à savoir les méthodologies, les expériences et les connaissances à propos des groupes cibles. Elles partagent des témoignages et des expériences concrètes, organisent des ateliers et des programmes intensifs avec les organisations et les associations. Elles collaborent avec des organisations qui partagent la même envie de créer des liens et de réfléchir à leur propre façon de faire. Ces organisations ont donc l’occasion d’analyser minutieusement leur fonctionnement. L’idée n’est pas de gérer des problématiques telles que le prix ou l’accessibilité d’une activité, mais plutôt d’aborder des thématiques telles que l’inclusion, dans le détail, ou la diversité des personnes auxquelles on s’adresse. Les personnes autistes, par exemple, ont toutes des besoins différents. La clé, c’est de déterminer quelles sont les personnes que l’on souhaite toucher et comment on peut leur proposer un soutien adéquat. En d’autres mots, il s’agit de questionner le fonctionnement de l’organisation et de dessiner un plan d’approche, qui fera l’objet d’un suivi et d’évaluations par la suite.

Ca n’est pas évident de mesurer l’impact de tout cela, mais nous pouvons tout de même lister les petits résultats auxquels nous assistons. Nous faisons cela pour nous-mêmes, mais aussi pour quiconque s’y intéresse au sein de notre société, pour montrer que d’autres modèles peuvent fonctionner. Si nous faisons ces inventaires pour mesurer l’impact de nos actions, c’est pour pouvoir nous auto-évaluer et pour identifier les endroits où on ne va pas. Néanmoins, nous travaillons avec des humains, pas avec des chiffres, les mesures ne sont donc pas toujours faciles.

- Emilie

Pour terminer, Emilie souhaite lancer un appel chaleureux au secteur socioculturel. Les organisations qui souhaitent travailler avec un public diversifié et qui veulent examiner de plus près leur propre fonctionnement, ou simplement faire connaissance, sont toujours les bienvenues à l’ASBL Lus ou au sein de BurgersAanZet. Il n’est pas toujours évident de faire le lien entre les organisations sociales et les demandes des individus à travers le prisme du domaine socioculturel, mais c’est un point sur lequel l’ASBL Lus et BurgersAanZet souhaitent vraiment se concentrer à l’avenir.