Après avoir fait la connaissance et tissé des liens avec un petit groupe d’enseignants du CEFA Anderlecht, les portes de l’école se sont ouvertes. Renforcer le lien de l’établissement avec des acteurs culturels du quartier, rencontrer des artistes et soutenir un projet graffiti font partie des explorations culturelles réalisées ensemble. Puis il y a eu la rencontre d’Isabelle Picard, à la recherche de partenaires pour monter un projet d’initiation artistique avec ses élèves. C’est ainsi que, d’octobre à décembre 2021, ils ont exploré la thématique du totem avec l’artiste Alessandra Chillaron. Pour clore en beauté cette collaboration entre le CEFA et Lasso dans le cadre de Move It Kanal, retour sur l’avant, le pendant et l’après de l’atelier, comme trois moments phares d’un projet réussi.

Avant

Penser un projet et faire en sorte que le courant passe entre les différentes personnes impliquées, que la connexion se fasse entre différents univers - ici, le milieu scolaire et le monde artistique - peut prendre du temps. Alessandra Chillaron, artiste pluridisciplinaire et travailleuse sociale, Isabelle Picard, enseignante en étalage dans la section vente au CEFA Anderlecht ainsi que Lies, médiatrice chez Lasso, se rencontrent au mois de juin. Comme l’entente est au rendez-vous, elles décident de poursuivre le projet ensemble et de se retrouver en septembre pour planifier plus exactement les ateliers. Une fois le planning mis en place, les objectifs définis, les techniques et références artistiques partagées, les ateliers sont prêts à démarrer début octobre.

Pour le premier atelier, l’accent est mis sur la rencontre. 8 ateliers sont prévus d’octobre à décembre avec un petit groupe d’élèves, il est donc crucial que l’ambiance et la confiance soient au rendez-vous. Comme il s’agit de travailler autour du thème du totem, Alessandra propose de se présenter à travers les caractéristiques d’un animal.

💡 IDÉE : Pour réaliser ce jeu de présentation : disposez sur la table une quantité d’images et de photos qui représentent des animaux très différents. Demandez à chaque personne de choisir deux animaux avec la consigne :
1.
comment je me vois
2.
comment les autres me perçoivent.
Une fois que tout le groupe a fait son choix, lancer la discussion (quel animal as-tu choisi ? Pourquoi ? Qu’est-ce que cela raconte sur toi ? Pourquoi les autres te perçoivent-ils autrement ?...)

Pendant

Une fois le premier atelier lancé, le challenge principal est de maintenir la dynamique collective et la motivation tout au long du projet. Au CEFA, le taux d’absentéisme est un problème récurrent, et ce pour plein de raison : un public qui n’aime pas spécialement l’école, un rythme alterné entre l’école et l’entreprise, des élèves déjà à l’âge adulte, le contexte covid … Garder un groupe soudé et présent est donc un des enjeux principaux du projet.

Pour cela, l’artiste et l’enseignante ont fait attention à varier les séances. Le fait d’apporter des éléments nouveaux à chaque séance en termes de techniques (dessin, collage, peinture, textile, broderie, assemblage carton, récup…) a permis aux élèves d’expérimenter et de varier les sensations. Les ateliers avaient parfois lieu le matin, parfois l’après-midi, parfois une journée entière, ce qui a également permis de tester différents formats de cours. L’un des ateliers a par exemple commencé par un petit déjeuner, un moment que tout le monde a apprécié. Car il faut bien sûr prêter attention au contenu artistique, mais aussi à tout ce qui se passe à côté, la dynamique de groupe. La bonne ambiance s’improvise, mais peut aussi se construire.

J’ai aimé l’ambiance, qu’on s’entende bien et qu’on est libre un peu!

- Élève

💡 IDÉE : Pour garantir un bon déroulé des ateliers, pensez à faire des débriefs réguliers avec les participants, mais aussi entre organisateurs. Évoquer ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins bien, penser des solutions, acheter du matériel … Cela peut prendre la forme d’un coup de fil hebdomadaire, d’un message WhatsApp, d’une rencontre.

© Alessandra Chillaron

Après

Arrive le dernier atelier. Il pourrait être le moment de finir (dans l’urgence) ce qui n’a pas pu être fait jusque-là, mais ce serait passer à côté d’un temps symbolique et précieux de clôture. Sans que cela doive devenir quelque chose de spectaculaire, ce moment est l’occasion de célébrer la fin d’un projet, pour les participants et l’organisation. Au CEFA, une journée entière était dédiée à cette fin de projet. Le matin a été l’occasion de finir et de peaufiner les totems. Arrivé le temps du midi, la salle de classe s’est transformée en petit restaurant. Tout le monde avait mis la main à la pâte pour organiser ce repas. Un élève s’est occupé de la commande de raclette, un autre a apporté des entrées faites maison, Isabelle a dressé les nappes et les salades et voilà qu’élèves, enseignants et intervenants extérieurs sont réunis à la même table.

On doit garder cette flamme qu’on a entre nous. Quand on a fait un truc comme ça, on ne peut plus retourner à des feuilles. Il faut donner du sens à ce qu’on va faire.

- Isabelle
© Alessandra Chillaron


L’après-midi se devait légère après un tel plat hivernal ! Une demi-heure de vernissage pour disposer, photographier et présenter chaque totem, puis une demi-heure d’évaluation du projet. Cette dernière partie était très bénéfique pour tous les concernés du projet. Elle demande un peu de concentration et de sérieux, mais ne doit pas pour autant durer longtemps.

On va faire une petite évaluation de l’atelier, ce n’est pas une évaluation de vous, c’est vous qui évaluez l’atelier ensemble.

- Alessandra

L’évaluation a permis à tout le monde de parler franchement et de faire un retour collectif sur ce trajet de deux mois et demi. Les élèves ont vraiment exprimé le plaisir de travailler avec quelqu’un qui vient de l’extérieur de l’école. Cela casse la routine qui peut s’installer dans un établissement. L’intervenant apporte un autre regard, d’autres compétences, techniques et formes d’apprentissages. Pour l’enseignant, la collaboration apporte un souffle nouveau, un vrai soutien et permet aussi de déplacer le curseur : on souhaite aux élèves de bien réussir, dans ce cas de figure, de devenir de bons vendeurs, mais on leur souhaite aussi surtout de devenir de belles personnes et citoyens.

C’était une très chouette activité, c’est la première fois que je trouve quelqu’un qui a le même humour que moi

- Élève

On a appris aussi qu’il était parfois dur pour certains de se concentrer sur leur projet quand il était encore sous forme d’ébauche. Savoir où on va et comment est important pour le participant. Certains étaient fiers de leur travail, d’autres ont avoué avoir pu faire plus. Une présence complète et continue aurait permis plus d’expérimentations, mais pour l’artiste c’était déjà un vrai facteur de succès d’avoir tous les projets finis à la fin du projet. Le covid n’a pas facilité les sorties hors de l’école, ce qui aurait bien plu aux élèves, comme aller dans un musée ou acheter des objets aux Marolles pour la réalisation de leurs totems.

© Alessandra Chillaron

Les réalisations des élèves seront exposées lors de l’annuel Festivaleke de l’école et trouveront une place dans le nouveau bâtiment actuellement en construction. Quelques semaines après la fin de l’atelier, l’artiste, l’enseignante et la médiatrice se réunirent encore à trois pour évaluer le projet entre elles. Pas mal de temps prévu donc pour l’échange et le débrief, mais au fond, n’est-ce pas un peu de temps perdu pour du temps gagné ?

💡 IDÉE : Pour mettre en place cette évaluation : distribuez 6 post-its à chaque participant. Sur chacun d’entre eux, les participants indiquent un chiffre, de 1 à 6. Posez une première question au groupe. Chaque participant répond à la question en notant un mot, une phrase, un dessin sur le post-it. Répétez ce procédé jusqu’à la dernière question. Après la phase de réflexion individuelle, place à l’échange collectif. Modérez la discussion et veillez à ce que chaque question soit abordée. Adaptez le nombre de questions en fonction du nombre de participants et du temps que vous avez prévu pour cette activité.

Envie de lire un premier article sur la collaboration avec le CEFA ? Suis le lien.